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samedi, 26 mai 2012

Spectacle de marionnettes

" Le soir, on nous a donné un spectacle de marionnettes; l'homme et la femme, très jeunes tous les deux et récemment mariés, prêtaient leur voix aux petits personnages. La femme, armée d'un clitoris qui faisait relever sa jupe comme un bout d'épée ou une pine en érection, avait un organe trombonant, un contralto poilu, genre Crapobiska, dans le goût d'Ernesta, et le mari une voix flûtée, genre Abeilard, après l'opération; ce qui ne l'empêchait pas de foutre et de branler sa femme pendant les monologues des héros en butte aux rigueurs du sort et de l'amour; divertissement qui faisait trembler la toile, marquer les genoux de la femme au milieu de la décoration et traîner les jambes des marionnettes aux moments de pâmoison. "

Lettre à la Présidente
Théophile Gautier


Midi : à table !

« Or la prédiction du jongleur avait tellement condensé les idées assez peu fluides de l’apprenti drapier, qu’il était demeuré tout étourdi au centre de la demi-lune, et n’entendait point les voix argentines qui babillaient dans les campaniles de la Samaritaine, et répétaient midi, midi ! ... Mais, à Paris, midi sonne pendant une heure, et l’horloge du Louvre prit bientôt la parole avec plus de solennité, puis celle des Grands-Augustins, puis celle du Châtelet ; si bien qu’Eustache, effrayé de se voir si fort en retard, se prit à courir de toutes ses forces et, en quelques minutes, eut mis derrière lui les rues de la Monnaie, du Borrel et Tirechappe (...)"

Gérard de Nerval
La Main enchantée
VI -Croix et misères

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vendredi, 25 mai 2012

Clystère d'excuses

" Tout ceci étant déduit, je crois qu'il est l'heure de tirer la toile, et, suivant l'usage de nos anciennes comédies, de donner un coup de pied par derrière à mons le Prologue, qui devient outrageusement prolixe, au point que les chandelles ont été déjà trois fois mouchées depuis son exorde. Qu'il se hâte donc de terminer, comme Bruscambille, en conjurant les spectateurs « de nettoyer les imperfections de son dire avec les époussettes de leur humanité, et de recevoir un clystère d'excuses aux intestins de leur impatience » ; et voilà qui est dit, et l'action va commencer. "

 Gérard de Nerval
La Main Enchantée (Histoire macaronique)
III -Les grègues du magistrat

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Caricature  - Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée


 > Quelques pensées sur le clystère : Divagazioni sul clistere e sul suo inventore, in Minerva medica, 1933, Revue d'histoire de la pharmacie, 1934, vol. 22, n° 85, pp. 262-263. Revue Persée

jeudi, 24 mai 2012

Duc de Vendôme

Étant sur sa chaise percée, il dit à son valet de chambre : « Pourquoi ne me rases-tu pas ? — Monseigneur, c'est que votre bassin à barbe est sous vous. » Gaignières

220px-Louis_joseph_duke_of_vend%C3%B4me.jpg « Sa saleté était extrême ; il en tirait vanité : les sots le trouvaient un homme simple. Il était plein de chiens et de chiennes dans son lit, qui y faisaient leurs petits à ses côtés. Lui-même ne s'y contraignait de rien. Une de ses thèses était que tout le monde en usait de même, mais n'avait pas la bonne foi d'en convenir comme lui ; il le soutint un jour à Mme la princesse de Conti, la plus propre personne du monde, et la plus recherchée dans sa propreté.

Il se levait assez tard à l'armée, se mettait sur sa chaise percée, y faisait ses lettres, et y donnait ses ordres du matin. Qui avait affaire à lui, c'est-à-dire pour les officiers généraux et les gens distingués, c'était le temps de lui parler. Il avait accoutumé l'armée à cette infamie. Là, il déjeunait à fond, et souvent avec deux ou trois familiers, rendait d'autant, soit en mangeant, soit en écoutant ou en donnant ses ordres, et toujours force spectateurs debout. (Il faut passer ces honteux détails pour le bien connaître.) Il rendait beaucoup; quand le bassin était plein à répandre, on le tirait et on le passait sous le nez de toute la compagnie pour l'aller vider, et souvent plus d'une fois. Les jours de barbe, le même bassin dans lequel il venait de se soulager servait à lui faire la barbe. C'était une simplicité de moeurs, selon lui, digne des premiers Romains, et qui condamnait tout le faste et le superflu des autres. Tout cela fini, il s'habillait, puis jouait gros jeu au piquet ou à l'hombre, ou s'il fallait absolument monter à cheval pour quelque chose, c'en était le temps. L'ordre donné au retour, tout était fini chez lui. Il soupait avec ses familiers largement; il était grand mangeur, d'une gourmandise extraordinaire, ne se connaissait à aucun mets, aimait fort le poisson, et mieux le passé et souvent le puant que le bon. La table se prolongeait en thèses, en disputes, et par-dessus tout, louanges, éloges, hommages toute la journée et de toutes parts.

 

Mémoires de Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon

Tome 5 chapitre VIII - 1706

 

Duc, pair de France et courtisan, Saint-Simon vécut à la charnière du " grand siècle "» et de celui des " lumières ". Il observa la cour de Versailles et les "grands "  qui la hantaient . C'est vers 1739 qu'il entama la véritable rédaction de ses Mémoires qui, après avoir été saisis et circulés sous le manteau, ne paraîtront en édition complète qu’en 1829-1830.

 

mercredi, 23 mai 2012

Rajeunir

" Du reste, point d’âge. Vous savez, ces bonnes gens ont de vingt-cinq à soixante ans. Passé soixante ans, ils rajeunissent."


Paul Féval
La Fée des grèves – Veillée de la Saint-Jean

vendredi, 03 juin 2011

Manques de formes

 La Victime, ruinée, couvre l'avoué roux d'un tas de coups de revolver, n'ayant pas d'autre arme sous sa main.

Envoi des clercs. On interroge ce client.

« Ça et ça ?

— Ça et ça.

— Alors pourquoi n'avoir pas tué votre femme, cause de tout, au lieu de Me Untel qui ne fut que son agent ?

— Parce qu'on ne fusille pas de la merde. »


Par un de ces hasards qui arrivent rarement, la Victime s'est évadée du Dépôt des Condamnés et a tué sa femme je ne sais pas avec quoi. Comme on lui rappelle son dernier propos touchant son avant-dernier crime, propos qui infirmait d'avance toute apologie du crime récent :

« Je me trompais alors, dit-il en tendant ses poings aux menottes. J'ai réfléchi depuis. Il faut que tout le monde meure. »

_-_-_

Paul Verlaine.
Les Mémoires d'un veuf.


> Verlaine et la tentation de la prose  - M. Michel Décaudin  -  Cahiers de l'Association internationale des études françaises  -   Année   1991   - Volume   43   - Numéro   43    pp. 271-279

L'ouvrage paraît en 1886, mais il est composé de textes dont la rédaction s'étale sur vingt ans, les premiers datants de 1867.

samedi, 12 mars 2011

Bienfaits

jean-jacques-rousseau-1712-78-gathering-herbs-at-ermenonville-affiches.jpgJe ne reconnais pour vrais bienfaits que ceux qui peuvent contribuer à mon bonheur et c’est pour ceux-là que je suis pénétré de reconnaissance ; mais certainement l’argent et les dons n’y contribuent pas, et quand je cède aux longues importunités d’une offre cent fois réitérée, c’est plutôt un malaise dont je me charge pour acquérir le repos qu’un avantage que je me procure. De quelque prix que soit un présent offert et quoi qu’il en coûte à celui qui l’offre, comme il me coûte encore plus à recevoir, c’est celui dont il vient qui m’est redevable, c’est à lui de n’être pas un ingrat ; cela suppose, il est vrai, que ma pauvreté ne m’est point onéreuse et que je ne vais point à la quête des bienfaiteurs et des bienfaits ; ces sentiments que j’ai toujours hautement professés témoigneront ce qu’il en est. Quant à la véritable amitié, c’est tout autre chose. Qu’importe qu’un des deux amis donne ou reçoive, et que les biens communs passent d’une main dans l’autre, on se souvient qu’on s’est aimés et tout est dit, on peut oublier tout le reste. J’avoue qu’un pareil principe est assez commode quand on est pauvre et qu’on a des amis riches. Mais il y a cette différence entre mes amis riches et pauvres, que les premiers m’ont recherché et que j’ai recherché les autres. C’est aux premiers à me faire oublier leur opulence. Pourquoi fuirais-je un ami dans l’opulence tant qu’il sait me la faire oublier, ne suffit-il pas que je lui échappe à l’instant que je m’en souviens ?

Jean-Jacques Rousseau - Mon portrait