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jeudi, 17 février 2011

« Ceci tuera cela ! »

Paris, 20 avril. 1898

Voici un simple fait divers que je copie dans toute sa simplicité et que je livre aux réflexions du public : “ Un jeune homme d'une vingtaine d'années qui, avant hier, passait à bicyclette sur le boulevard Gouvion Saint-Cyr, a été écrasé par une voiture automobile. Le cadavre a été transporté à la morgue”.

Vous vous souvenez du fameux chapitre de Notre Dame de Paris, où Claude Frollo, songeant au livre qui sera créé par l'imprimerie, et à l'œuvre de pierre qui a été pour le moyen âge la cathédrale, s'écrie : 

Ceci tuera cela !...

Ces mots s'appliquent cruellement à ce cas. Oui, ceci tuera cela : l'automobile tuera la bicyclette. Le malheur est qu'elle tue aussi le bicycliste. On ne songe pas assez qu'en multipliant les machineries à locomotion, on fait de nos rues, de nos avenues et de nos boulevards autant de voies ferrées où évoluent des trains en miniature, avec leurs locomotives. Tramways à vapeur, à électricité, tricycles à pétrole, automobiles, autant de dangers de tamponnement, de renversement, d'explosion. Et si vous voulez vous donner la peine de multiplier le chiffre des accidents sur une ligne de chemin de fer, où il y a surveillance, par le nombre des trains qui est limité, et de faire la même opération pour les véhicules mécaniques qui circulent en un jour dans Paris, vous serez épouvanté.

Marcel Schwob- Lettres parisiennes - 1898

Sur Hibouc, fichier PDF ou Flash

jarry_bicyclette_1898.jpg

"Alfred Jarry possédait une bicyclette Clément Luxe 96 Course sur piste achetée pour 525 francs en novembre 1896 à monsieur Jules Trochon de Laval.
Cette bicylette ne fut jamais payée, malgré plusieurs sommations d'huissiers. Le 27 Avril 1907 (plus de 10 ans après, donc, et 6 mois avant la mort de Jarry) Trochon réclame toujours son dû."  ( la Folle pensée)

jeudi, 13 janvier 2011

La canne de M. de Balzac

On donnait Robert le Diable ce jour-là. Tancrède alla se placer à une stalle de l'orchestre; mais à peine il était assis, qu'un objet étrange attira ses regards.

Sur le devant d'une loge d'avant-scène se pavanait une canne. —Était-ce bien une canne? Quelle énorme canne ! à quel géant appartient cette grosse canne ?

Sans doute c'est la canne colossale d'une statue colossale de M. de Voltaire. Quel audacieux s'est arrogé le droit de la porter?

Tancrède prit sa lorgnette et se mit à étudier cette canne-monstre.—Cette expression est reçue: nous avons eu le concert-monstre, le procès-monstre, le budget-monstre.

Tancrède aperçut alors au front de cette sorte de massue, des turquoises, de l'or, des ciselures merveilleuses; et derrière tout cela, deux grands yeux noirs plus brillants que les pierreries.

La toile se leva; le second acte commença, et l'homme—qui appartenait à cette canne—s'avança pour regarder la scène.

— Pardon, monsieur, dit Tancrède à son voisin; oserais-je vous demander le nom de ce monsieur qui porte de si longs cheveux?

— C'est M. de Balzac.
— Lequel ? l'auteur de la Physiologie du Mariage ?
— L'auteur de la Peau de Chagrin, d'Eugénie Grandet, du Père Goriot.
— Ah ! Monsieur, je vous remercie mille fois.

Tancrède se mit de nouveau à lorgner M. de Balzac et sa canne.

Mais cette canne le préoccupait.

— Comment, se disait-il, un homme aussi spirituel a-t-il une si vilaine canne?—Peut-être contient-elle un parapluie; il y a un mystère là-dessous.

La Canne de M. de Balzac,  Mme Émile de Girardin

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A partir de 1834,  Balzac exhiba une canne  en jonc dont la monture à " ébullition de turquoises" ( très féminines) et " à pomme d'or ciselée " fut commandée à l'orfèvre et joaillier parisien, Lecointe.  Selon Octave mirbeau, " il disait – le dindon – que la pomme avait été ciselée dans l'or fondu des bracelets de ses amies..."

Ce bâton  de maréchal littéraire  en agaça plus d'un. En  1835, il écrit à Madame Hanska : " Vous ne sauriez imaginez quel succès a eu ma Canne, ce bijou qui menace d’être européen.  Revenu d’Italie, Borget me contait en riant, qu’en en parlait à Naples et à Rome. Tout le dandysme de Paris en a été jaloux. Pardonnez-moi, mais il paraît que ce sera matière à biographie ! "

16:34 Publié dans G/H | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : canne, balzac

Lit de souffrance

On ne devinerait guère sur quel lit est mort Béranger. Il est mort sur le lit de travail articulé, où l'Impératrice est accouchée du Prince impérial, lit que les Tuileries ont offert à l'agonie du chansonnier du grand Empereur.

Mémoires
Edmond de Goncourt

 

14:51 Publié dans / Goncourt | Lien permanent | Commentaires (0)

Jambe de bois fantôme

 

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"... Ce torrent de paroles écoulé, j'appelais la femme de chambre, et je reconduisais ma mère et ma sœur à leur appartement. Avant de me retirer, elles me faisaient regarder sous les lits, dans les cheminées, derrière les portes, visiter les escaliers, les passages et les corridors voisins.
Toutes les traditions du château, voleurs et spectres, leur revenaient en mémoire. Les gens étaient persuadés qu'un certain comte de Combourg, à jambe de bois, mort depuis trois siècles, apparaissait à certaines époques, et qu'on l'avait rencontré dans le grand escalier de la tourelle; sa jambe de bois se promenait aussi quelquefois seule avec un chat noir ".

 

Mémoires d'Outre-tombe - T1
François-René de  Chateaubriand

mardi, 20 avril 2010

Bonne compagnie

Au  mois de novembre 1776, je pris la diligence de Lyon, pour revenir à Paris. Nous étions huit dans la voiture, un Bénédictin, un Comédien, deux Actrices, un Avocat, un Négociant, un Je-ne-sais-quoi, & Moi; sans compter un Singe, six Chiens, trois Perroquets, deux Perruches, un Angola
Le Bénédifcin était le plus grand consommateur de tabac d'Espagne qu'il y ait en Europe, le meilleur gourmet, & le plus fin connaisseur en bons morceaux. Celle des deux Actrices qui faisait les Reines, était aussi libertine que la-R**, à qui elle ressemblait pour la figure, au point que je l'avais d'abord prise pour elle, & aussi méchante que la-S**: la Soubrette était sérieuse , mélancolique, réglée dans ses discours, & presqu'aussi aimable que la délicate Fannier : l'Acteur était un Tragédien aussi bel-homme que P—il, & jouant aussi mal , d'une fatuité , d'une insolence qui pourrait, mais qui ne doit pas se comparer à celle de...  L'Avocat, que je reconnus, malgré son travestissement, était un Homme célèbre, que je n'estime guère, & que j'aime encore moins, haï, persécuté, persécuteur, calomniateur même. Le Négociant était un bon-homme, fort-riche , très-simple, buvant bien , mangeant bien, dormant encore mieux, ronflant comme quatre , Se prenant presqu'autant
de tabac que le Bénédictin, avec lequel il s' entretenait des choses d'ici-bas. Le Je-ne-sais-quoi était un Homme ni vieux ni jeune, ni beau ni laid, ni gras ni maigre, ni grand ni petit, qui ne paraissait ni riche ni pauvre, ni spirituel ni sot, qui ne parlait ni trop, ni trop-peu, qui mangeait de tout, était de tout accord, & dont toutes les actions annonçaient qu'il n'aimait ni ne haïssait rien au monde.
Reste Moi. Ce Moi est un Original trop singulier pour n'en pas dire un mot. Qu'on se représente un petit-Homme, qui se tient si gauchement, qu'il paraît contrefait ; dont l'air triste & rêveur, la tête enfoncée entre deux hautes épaules, la démarche vague & indéterminée représentent assez au naturel un Acéphale de la Guyane (*); qui seul, comme en société
, s'entretient avec ses pensées , au point d'éclater de rire, de crier , de pleurer, sans que la Compagnie puisse se douter du sujet ; timide, & brutal à l'excès ; aimant le plaisir, & dédaignant par orgueil les Objets qui peuvent le procurer ; prêchant la tolérance & ne pouvant souffrir la plus légère contradiction, &c. &c. &c. Voilà mon portrait non-flatté, au-bas duquel quelqu'un pourrait mettre L—g—t, mais je déclare que ce n'est pas moi...

( * ) Hommes d'Amérique dont parle Cortal, page 58 de ses Voyages, qui ont la tête dans 1a poitrine.

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Restif de la Bretonne.
La Découverte Australe par un Homme-Volant, ou le Dédale français; nouvelle philosophique.
Livre premier - " Un étrange interlocuteur."

mardi, 30 mars 2010

Turban

Grâce à la précaution qu'il avait prise de faire un turban épais avec les rideaux du lit, le noble Mustapha entrant ainsi chez ses voisines à travers le châssis brisé d'une fenêtre, n'éprouva d'autre mal qu'un léger étourdissement, et même son oreille de vieillard légèrement collée, ne bougea pas.
 
Paul Féval, La fabrique de crimes.
 

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Giambattista Tiepolo (1696-1770)
Tête d'homme au turban

17:51 Publié dans E/F | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : turban, t, féval

jeudi, 16 juillet 2009

Rossignol

Le chant du rossignol retranscrit dans le premier numéro  du Magasin pittoresque de 1833.
Une transcription de l'Allemand Bechstein qui " est parvenu à rendre assez exactement par les combinaisons de nos lettresl'effet produti par la voix de l'oiseau. Nous les donnons ici : il faut les siffler et essayer de prononcer dans le sifflet les sons indiqués par les lettres."

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