Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

samedi, 12 mars 2011

Bienfaits

jean-jacques-rousseau-1712-78-gathering-herbs-at-ermenonville-affiches.jpgJe ne reconnais pour vrais bienfaits que ceux qui peuvent contribuer à mon bonheur et c’est pour ceux-là que je suis pénétré de reconnaissance ; mais certainement l’argent et les dons n’y contribuent pas, et quand je cède aux longues importunités d’une offre cent fois réitérée, c’est plutôt un malaise dont je me charge pour acquérir le repos qu’un avantage que je me procure. De quelque prix que soit un présent offert et quoi qu’il en coûte à celui qui l’offre, comme il me coûte encore plus à recevoir, c’est celui dont il vient qui m’est redevable, c’est à lui de n’être pas un ingrat ; cela suppose, il est vrai, que ma pauvreté ne m’est point onéreuse et que je ne vais point à la quête des bienfaiteurs et des bienfaits ; ces sentiments que j’ai toujours hautement professés témoigneront ce qu’il en est. Quant à la véritable amitié, c’est tout autre chose. Qu’importe qu’un des deux amis donne ou reçoive, et que les biens communs passent d’une main dans l’autre, on se souvient qu’on s’est aimés et tout est dit, on peut oublier tout le reste. J’avoue qu’un pareil principe est assez commode quand on est pauvre et qu’on a des amis riches. Mais il y a cette différence entre mes amis riches et pauvres, que les premiers m’ont recherché et que j’ai recherché les autres. C’est aux premiers à me faire oublier leur opulence. Pourquoi fuirais-je un ami dans l’opulence tant qu’il sait me la faire oublier, ne suffit-il pas que je lui échappe à l’instant que je m’en souviens ?

Jean-Jacques Rousseau - Mon portrait