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jeudi, 05 mars 2009

Immoralité

Et puis après ? Qu’est-ce que l’immoralité ? Je voudrais bien qu’on me la définisse une bonne fois, car on ne s’entend guère là-dessus, et, pour beaucoup de braves gens que je pourrais nommer, l’immoralité, c’est tout ce qui est beau. Pour le crapaud , l’immoralité, c’est l’oiseau qui vole dans l’air et chante dans les branches ; pour le cloporte, ignoblement condamné aux murs visqueux des caves, ce sont les abeilles qui se roulent dans le pollen des fleurs. « « Un livre n’est point moral ou immoral, il est bien ou mal écrit : c’est tout. » Je m’en tiens à cette définition qu’Oscar Wilde inscrivit dans la préface de son livre, et j’ajoute : « L’immoralité, c’est tout ce qui offense l’intelligence et la beauté. »

Octave Mirbeau, Le Journal, 7 juillet 1895
Sur un livre, à propos du Portrait de Dorian Gray
d'Oscar Wilde

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mardi, 08 juillet 2008

Bon goût

Il s’apprêta donc à souper d’une sarcelle et d’un tourteau dans un hôtel de La Roche-Bernard, et fit tirer de la cave, pour arroser ces deux mets bretons, un cidre qu’au seul toucher du bout des lèvres il reconnut pour être infiniment plus breton encore.

 Alexandre Dumas
Le Viconte de Bragelonne.
Chapitre LXVI
Sur le site Bibliothèque Dumas

 

lundi, 12 novembre 2007

Message

Être précis tout en restant discret. Un modèle de message secret dans  le chevalier Mystère de Paul Féval fils.Un clin d’œil à l’œuvre de Dumas et au Cyrano de la pièce de Rostand.

" Bouillant d'impatience, il déplia le papier et, à la lueur du falot, il lut, ou plutôt déchiffra péniblement :
55 devra éviter 22... Les bras en tombèrent au lecteur. Il fit un effort pour poursuivre : Il trouvera 24 au lieu dit et le mènera...à l'heure convenue...où il sait!...
Cette fois c'en était trop. Au nez de ce destin qui le mystifiait sans vergogne depuis si longtemps, notre petit homme éclata de rire de colère et de défi."
 

Sur Paul Féval fils :

http://www.pastichesdumas.com/pages/Auteurs/Fevalfils.html

http://mletourneux.free.fr/auteurs/france/feval-fils/feva...

Les éditions  Omnibus   ont réédité en 2002 le cycle  "D'Artagnan et Cyrano"

Illico presto

Le chevalier Mystère a des ailes...

"Puis sans plus de réflexion ni de méditation, il prit sa course. Il allait d'un train fou, guidé semble-t-il par l'instinct...On l'attendait !
Comme il passait devant Saint-Jacques du Haut-Pas, le clocher tinta gravement une heure. Alors le jeune homme ne courut plus...il avait des ailes...il vola.
Le coeur battant à rompre, il arriva, le tintement de l'heure vibrant encore dans l'air, au lieu du rendez-vous, à la sacro-sainte barrière de Saint-Jacques."


"le chevalier Mystère" de Paul Féval fils.

samedi, 29 septembre 2007

Ventre de Paris

Quelques fromages odorants et musicaux  dans "le Ventre de Paris." 

Le camembert, de son fumet de venaison, avait vaincu les odeurs plus sourdes du marolles et du limbourg il élargissait ses exhalaisons, étouffait les autres senteurs sous une abondance surprenante d'haleines gâtées. Cependant, au milieu de cette phrase vigoureuse, le parmesan jetait par
moments un filet mince de flûte champêtre tandis que les brie y mettaient des douceurs fades de tambourins humides. Il y eut une reprise suffoquante du livarot. Et cette symphonie se tint un moment sur une note aiguë du géromé
anisé, prolongée en point d'orgue.

 

Un extrait qui figure dans beaucoup d'anthologies gastronomiques culinaires 


Autour d'elles les fromages puaient. Sur les deux étagères de la boutique, au fond, s'alignaient des mottes de beurre énormes les beurres de Bretagne, dans des paniers, bordaient les beurres de Normandie, enveloppés de toile, ressemblaient à des ébauches de ventres, sur lesquelles un sculpteur aurait jeté des linges mouillés d'autres mottes, entamées, taillées par les larges couteaux en rochers à pic. pleines de vallons et de cassures, étaient comme des cimes éboulées, dorées par la pâleur d'un soir d'automne.


Sous la table d'étalage, de marbre rouge veiné de gris, des paniers d'œufs mettaient une blancheur de craie; et, dans des caisses, sur des clayons de paille, des bondons posés bout à bout, des gournay rangés à plat comme des médailles, faisaient des nappes plus sombres, tachées de tons verdâtres.

Mais c'était surtout sur la table que les fromages s'empilaient. Là, à côte des pains de beurre à la livre, dans des feuilles de poirée, s'élargissait un cantal géant, comme fendu à coups de hache puis venaient un chester, couleur d'or, un gruyère, pareil à une roue tombée de quelque char barbare, des hollande, ronds comme des têtes coupées, barbouillées de sang séché, avec cette dureté de crâne vide qui les fait nommer têtes-de-mort. Un parmesan, au milieu de cette lourdeur de pâte cuite, ajoutait sa pointe d'odeur aromatique. Trois brie, sur des planches rondes, avaient des lancolies de lunes teintes; deux, très-secs, étaient dans leur plein; le troisième, dans son deuxième quartier, coulait, se vidait d'une crème blanche, étalée en lac, ravageant les minces planchettes, à l'aide desquelles on avait vainement essayé de le contenir. Des port-salut, semblables à des disques antiques, montraient en exergue le nom imprimé des fabricants. Un romantour, vêtu de son papier d'argent, donnait le rêve d'une barre de nougat, d'un fromage sucré, égaré parmi ces fermentations âcres.

Les roquefort, eux aussi, sous des cloches de cristal, prenaient des mines princières, des faces marbrées et grasses, veinées de bleu et de jaune, comme attaqués d'une maladie honteuse de gens riches qui ont trop mangé de truffes; tandis que, dans un plat, à côté, des fromages de chèvre, gros comme un poing d'enfant, durs et grisâtres, rappelaient les cailloux que les boucs, menant leur troupeau, font rouler aux coudes des sentiers pierreux. Alors, commençaient les puanteurs; les mont-d'or, jaune clair, puant une odeur douceâtre; les troyes, très-épais, meurtris sur les bords, d'âpreté déjà plus forte, ajoutant une fétidité de cave humide; les camembert, d'un fumet de gibier trop faisandé; les neufchâtel, les limbourg, les marolles, les pont-l'évêque, carrés, mettant chacun leur note aiguë et particulière dans cette phrase rude jusqu'à la nausée; les livarot, teintés de rouge, terribles à la gorge comme une vapeur de soufre; puis enfin, par-dessus tous les autres, les olivet, enveloppés de feuilles de noyer, ainsi que ces charognes que les paysans couvrent de branches, au bord d'un champ, fumantes au soleil. La chaude après- midi avait amolli les fromages; les moisissures des croûtes fondaient, se vernissaient avec des tons riches de cuivre rouge et de vert-de-gris, semblables à des blessures mal fermées sous les feuilles ds chêne, un souffle soulevait la peau des olivet, qui battait comme une poitrine, d'une haleine lente et grosse d'homme endormi un flot de vie avait troué un livarot, accouchant par cette entaille d'un peuple de vers. Et, derrière les balances, dans sa boîte mince, un géromé anisé répandait une infection telle, que des mouches étaient tombées autour de la boite, sur le marbre rouge veiné de gris.

Le ventre de Paris,1878 . Emile Zola (1840-1902)

 

mardi, 25 septembre 2007

Porteurs de sel

Quand je vois les hanouards ou porteurs de sel , je me rappelle qu' ils avaient le privilège de porter sur leurs épaules les corps des rois jusqu' à la prochaine croix de Saint-Denis, parce qu' à eux appartenait l' art de les couper  par pièces, de les faire bouillir dans de l' eau, et de les saler ensuite ; ce qui remplaçait d' une manière très-grossière l' art d' embaumer, qui était perdu, et qu' on n' a  retrouvé depuis que d' une manière fort imparfaite.

On a salé ainsi et Philippe le long et Philippe De Valois, qui les premiers mirent un impôt sur une marchandise de première nécessité, dont le commerce avant eux était permis à tout le monde. La nature nous donnait cette denrée ; les rois nous l' ont vendue. Le minot de sel coûte à Paris 60 liv 7 sols."(...)


Louis-Sébastien Mercier,  Tableau de Paris . Chapitre 33

mardi, 28 août 2007

Chiffonnier

Je l' ai prononcé ce mot ignoble ! Me le pardonnera-t-on ? Le voyez-vous cet homme qui, à l' aide de son croc, ramasse ce qu' il trouve dans la fange, et le jette dans sa hotte ? Ne détournez pas la tête ; point d' orgueil, point de fausse délicatesse. Ce vil chiffon est la matiere première, qui deviendra l' ornement de nos bibliotheques, et le trésor précieux de l' esprit humain. Ce chiffonnier précède Montesquieu, Buffon et Rousseau.
Sans son croc, mon ouvrage n' existeroit pas pour vous, lecteur. Ce ne serait pas un grand mal. D' accord ; mais vous n' auriez aucun livre : vous lui devez cette matiere qui va former le papier, dont l' origine paraît si vile. Tous ces chiffons mis en pâte, voilà ce qui servira à conserver les flammes de l' éloquence, les pensées sublimes, les traits généreux des vertus, les actions les plus mémorables du patriotisme.
Toutes ces idées volatiles vont se fixer aussi rapidement qu' elles ont été conçues. Toutes ces images, tracées dans l' entendement, s' attacheront, s' imprimeront, se colleront ; et malgré la nature, qui fait mourir l' homme de génie, ces productions appartiendront désormais à l' univers, et ne périront qu' avec lui. Honneur au chiffonnier !

 

Louis-Sébastien Mercier, Tableau de Paris .
Le texte sur le site Gallica