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jeudi, 13 janvier 2011

La canne de M. de Balzac

On donnait Robert le Diable ce jour-là. Tancrède alla se placer à une stalle de l'orchestre; mais à peine il était assis, qu'un objet étrange attira ses regards.

Sur le devant d'une loge d'avant-scène se pavanait une canne. —Était-ce bien une canne? Quelle énorme canne ! à quel géant appartient cette grosse canne ?

Sans doute c'est la canne colossale d'une statue colossale de M. de Voltaire. Quel audacieux s'est arrogé le droit de la porter?

Tancrède prit sa lorgnette et se mit à étudier cette canne-monstre.—Cette expression est reçue: nous avons eu le concert-monstre, le procès-monstre, le budget-monstre.

Tancrède aperçut alors au front de cette sorte de massue, des turquoises, de l'or, des ciselures merveilleuses; et derrière tout cela, deux grands yeux noirs plus brillants que les pierreries.

La toile se leva; le second acte commença, et l'homme—qui appartenait à cette canne—s'avança pour regarder la scène.

— Pardon, monsieur, dit Tancrède à son voisin; oserais-je vous demander le nom de ce monsieur qui porte de si longs cheveux?

— C'est M. de Balzac.
— Lequel ? l'auteur de la Physiologie du Mariage ?
— L'auteur de la Peau de Chagrin, d'Eugénie Grandet, du Père Goriot.
— Ah ! Monsieur, je vous remercie mille fois.

Tancrède se mit de nouveau à lorgner M. de Balzac et sa canne.

Mais cette canne le préoccupait.

— Comment, se disait-il, un homme aussi spirituel a-t-il une si vilaine canne?—Peut-être contient-elle un parapluie; il y a un mystère là-dessous.

La Canne de M. de Balzac,  Mme Émile de Girardin

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A partir de 1834,  Balzac exhiba une canne  en jonc dont la monture à " ébullition de turquoises" ( très féminines) et " à pomme d'or ciselée " fut commandée à l'orfèvre et joaillier parisien, Lecointe.  Selon Octave mirbeau, " il disait – le dindon – que la pomme avait été ciselée dans l'or fondu des bracelets de ses amies..."

Ce bâton  de maréchal littéraire  en agaça plus d'un. En  1835, il écrit à Madame Hanska : " Vous ne sauriez imaginez quel succès a eu ma Canne, ce bijou qui menace d’être européen.  Revenu d’Italie, Borget me contait en riant, qu’en en parlait à Naples et à Rome. Tout le dandysme de Paris en a été jaloux. Pardonnez-moi, mais il paraît que ce sera matière à biographie ! "

16:34 Publié dans G/H | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : canne, balzac