mardi, 01 octobre 2013
Belle comme un jambon
L’ex-gendarme cligna d’un air goguenard, et montra le jambon que Jeannette, sa jolie servante, apportait.
— Ça vous réveille, un joli morceau comme celui-là ? dit le maire ; c’est fait à la maison ! il est entamé d’hier…
— Mon compère, je ne vous connaissais pas celle-là ? Où l’avez-vous pêchée ? dit l’ancien bénédictin à l’oreille de Soudry.
— Elle est comme le jambon, répondit le gendarme en recommençant à cligner ; je l’ai depuis huit jours.
Jeannette, encore en bonnet de nuit, en jupe courte, pieds nus dans des pantoufles, ayant passé ce corps de jupe fait comme une brassière, à la mode dans la classe paysanne, et sur lequel elle ajustait un foulard croisé qui ne cachait pas entièrement de jeunes et frais trésors, ne paraissait pas moins appétissante que le jambon. Petite, rondelette, elle laissait voir ses bras nus pendants, marbrés de rouge, au bout desquels de grosses mains à fossettes, à doigts courts et bien façonnés du bout, annonçaient une riche santé. C’était la vraie figure bourguignotte, rougeaude, mais blanche aux tempes, au col, aux oreilles ; les cheveux châtains, le coin de l’œil retroussé vers le haut de l’oreille, les narines ouvertes, la bouche sensuelle, un peu de duvet le long des joues ; puis une expression vive, tempérée par une attitude modeste et menteuse qui faisait d’elle un modèle de servante friponne.
Balzac, les Paysans
17:08 Publié dans / Balzac | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : balzac, jambon, les paysans