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mercredi, 24 janvier 2007

Chocolat

Se méfier du chocolat


( preuves à l'appui dans le Traité des excitants modernes de Balzac - 1838 .)
chapitre 3 - La marée donne les filles, la boucherie fait les garçons; le boulanger est le père de la pensée.)

Les destinées d'un peuple dépendent et de sa nourriture et de son régime. Les céréales ont créé les peuples artistes. L'eau-de-vie a tué les races indiennes. J'appelle la Russie une aristocratie soutenue par l'alcool. Qui sait si l'abus du chocolat n'est pas entré pour quelque chose dans l'avilissement de la nation espagnole, qui, au moment de la découverte du chocolat, allait recommencer l'empire romain ? Le tabac a déjà fait justice des Turcs, des Hollandais, et menace l'Allemagne. Aucun de nos hommes d'Etat, qui sont généralement plus occupés d'eux-mêmes que de la chose publique, à moins qu'on ne regarde leurs vanités, leurs maîtresses et leurs capitaux comme des choses publiques, ne sait où va la France par excès de tabac, par l'emploi du sucre, de la pomme de terre subtituée au blé, de l'eau-de-vie, etc.

Voyez quelle différence dans la coloration, dans le galbe des grands hommes actuels et de ceux des siècles passés, lesquels résument toujours les générations et les moeurs de leur époque ! Combien voyons-nous avorter aujourd'hui de talents en tout genre, lassés après une première oeuvre maladive ? Nos pères sont les auteurs des volontés mesquines du temps actuel.
Voici le résultat d'une expérience faite à Londres, dont la vérité m'a été garantie par deux personnes dignes de foi, un savant et un homme politique, et qui domine les questions que nous allons traiter.
Le gouvernement anglais a permis de disposer de la vie de trois condamnés à mort, auxquels on a donné l'option ou d'être pendus suivant le formule usitée dans ce pays, ou de vivre exclusivement, l'un de thé, l'autre de café, l'autre de chocolat, sans y joindre aucun autre aliment de quelque nature que ce fût, ni boire d'autres liquides. Les drôles ont accepté. Peut-être tout condamné en eut-il fait autant. Comme chaque aliment offrait plus ou moins de chances, ils ont tiré le choix au sort.
L'homme qui a vécu de chocolat est mort après huit mois.
L'homme qui a vécu de café a duré deux ans.
L'homme qui a vécu de thé n'a succombé qu'après trois ans.
Je soupçonne la Compagnie des Indes d'avoir sollicité l'expérience dans l'intérêt de son commerce.
L'homme au chocolat est mort dans un effroyable état de pourriture, dévoré par les vers. Ses membres sont tombés un à un, comme ceux de la monarchie espagnole.
L'homme au café est mort brûlé, comme si le feu de Gomorrhe l'eût calciné. On aurait pu en faire de la chaux. On l'a proposé, mais l'expérience a paru contraire à l'immortalité de l'âme.
L'homme au thé est devenu maigre et quasi diaphane, il est mort de consomption, à l'état de lanterne ; on voyait clair à travers son corps ; un philantrope a pu lire le Times, une lumière ayant été placée derrière le corps. La décence anglaise n'a pas permis un essai plus original.

Je ne puis m'empêcher de faire observer combien il est philantropique d'utiliser le condamné à mort au lieu de le guillotiner brutalement. On emploie déjà l'adipocire des amphithéâtres à faire de la bougie, nous ne devons pas nous arrêter en si beau chemin. Que les condamnés soient donc livrés aux savants au lieu d'être livrés au bourreau. (...)

Le texte sur le site de la biliothèque municipale de Lisieux

chapitre 3 - La marée donne les filles, la boucherie fait les garçons; le boulanger est le père de la pensée.)