dimanche, 10 mai 2015
Le voleur de melon
Jean Aicard
L’Illustre Maurin / Chapitre XLIII
Dix minutes plus tard, les bavardages battaient leur plein, et le juge, sourd aux reproches de sa conscience, attaquait une seconde tranche de melon, lorsque la voix de Pastouré éclata, terrible, sous un bouquet de pins, dans les bruyères voisines. Parlo-Soulet semblait furieux :
« O bourreau ! hurlait-il à tue-tête, canaille ! voleur ! forçat ! brigand ! tu te crois peut-être de t’échapper ! mais je te tiens, puisque je te vois ! et tu ne m’échapperas pas ! C’est toi qui as volé les melons ! c’est toi peut-être qui les as mangés ! Si tu les as volés pour les manger, passe encore ! mais, bandit ! assassin ! si tu les as vendus, je me plaindrai chez le juge ! Les juges ne plaisantent pas ! tu irais en galère, gueusard ! enfant de gueuse ! »
Ainsi les injures se précipitaient…
« Cet homme va faire un malheur ! Allez donc voir, maître Maurin, s’écria le juge… Allons-y, messieurs.
– Ne vous troublez pas, fit Maurin tranquillement, vu qu’il n’y a pas de quoi… Je sais ce que c’est… »
La voix de Pastouré n’avait pas cessé de tonitruer :
« Réactionnaire ! mendiant ! royaliste ! marrias ! conservateur ! féna ! clérical ! voleur ! canaille ! J’aurai ta peau ! attends un peu ! attends-moi seulement ! »
Le juge se leva, vraiment ému.
« Je ne souffrirai pas, dit-il, qu’à deux pas de moi… À qui en a-t-il enfin ?
– Laissez donc, dit Maurin, négligemment – laissez-le faire : je sais ce que c’est : il insulte un lapin ! »
Un coup de fusil ponctua et termina la longue invective de Pastouré, qui arriva presque aussitôt et jeta un lapin aux pieds de Mme Labarterie.
Jean Aicard
L’Illustre Maurin / Chapitre XLIII
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